(Véronique Lefebvre des Noettes et Francois Goupy/ The Conversation) — Les patients doivent oser raconter leur histoire, et les médecins réapprendre à les écouter. L’exercice de la médecine est devenu si complexe, si technique, si contraint, que l’échange avec le malade en vient à être considéré comme accessoire. Les étudiants sont d’ailleurs très peu formés à solliciter le patient sur ce qu’il vit et ressent de sa maladie.
On commence seulement à en mesurer les conséquences dommageables pour le patient, comme l’ont montré les professeurs de médecine Anne Révah-Levy et Laurence Verneuil dans leur livre Docteur, écoutez !, et dommageables pour le médecin. Cet appauvrissement de la relation participe à la perte de sens et la souffrance au travail dénoncée par les jeunes médecins dans leur récente lettre ouverte à la ministre de la Santé.
L’enseignement de la « médecine narrative », intégré à titre expérimental depuis six ans dans les études en médecine à l’université Paris Descartes, offre une piste pour répondre à ce mal-être. Cette discipline née aux États-Unis consiste à apprendre au médecin à analyser le discours du patient et à renforcer, ainsi, « l’alliance thérapeutique », autrement dit la volonté des deux d’avancer dans la même direction. On peut aujourd’hui tirer un bilan positif de cette expérience, unique en France.
Empathie et écoute attentive du patient
La médecine narrative est une discipline récente créée sous l’impulsion du professeur de médecine Rita Charon de l’université Columbia à New York. Son principal objectif est d’établir une relation de qualité entre le médecin et le malade, caractérisée par l’empathie et basée sur l’écoute attentive du patient. Il existe un deuxième objectif : aider les soignants à réfléchir sur leur métier, dont l’exercice amène à côtoyer quotidiennement la souffrance et la mort, et à prendre du recul. (…)